O! la lettre #110

NL110

Mais où ai-je bien pu l’égarer?

    Je comprends pas, ça fait deux heures que je le cherche… Quant est-ce que je l’ai utilisé pour la dernière fois? En tout cas je suis sûr que je l’avais avec moi ce matin, lorsque je discutais avec Jean-Bernard des études de son fils…
    En fait, ça y est, ça me revient, c’est pile-poil à la réunion sur le nouveau packaging éco-conçu que je l’ai perdu. Oui, c’est bien la que ça a commencé. C’est toujours pareil, dès qu’on me parle de developpement durable, d’environnement, d’effondrement de la bio-diversité, catastrophe imminente… Boooom, y’a un truc qui saute, je le perds et me retrouve dans une série B, avec schématiquement les gentils et les méchants, le bien contre les forces du mal. Le scenario n’est pas très subtil, voire binaire, mais c’est tellement plus simple, plus clair, plus rassurant, une sorte de thérapie Yaka-Fokon manichéenne pour agir contre les désordres actuels. Donc la réunion s’est bien passée, rapide et productive. Pour ce projet de nouveau pack il nous suffirait de choisir des matériaux naturels, compostables, eco-responsables, sans plastique, ou au moins des bio-plastiques éthiques (le nouveau bio-éthylène élaboré à partir de peaux de bananes sans OGM récoltées par un village auto-géré du Venezuela a l’air super cool), et hop, emballé c’est pesé, l’exercice d’éco-conception était terminé. Y’a même Bertrand qui a lancé l’idée chouette que nous pourrions utiliser du « cuir vegan » (sic) pour l’étiquette et le ruban de fermeture. Jacqueline et François, du marketing, trouvent l’idée super, c’est très « impactant  pour le storytelling » (sic), le « cuir vegan » c’est forcement quelque chose d’écolo, non? Jacqueline a d’ailleurs lu dernièrement un article dithyrambique sur un nouveau canapé en « cuir de déchets de pommes », un éco-matériau apparement super efficace pour sauver la planète, et une « expérience client très positive-thinking » (sic).
    Mais voila, maintenant je doute… Est-ce que les solutions sont aussi simples, avons-nous pris la réelle mesure du problème, adopté la bonne approche? N’avons-nous pas été abusés par des termes valises vides de sens, et qui nécessiteraient au moins un peu de reflexion, de distanciation, de remise en cause? Oh la la, j’ai mal au crane. Bref, c’est au moment ou j’en ai besoin que je le paume, c’est toujours pareil… J’ai dû le laisser à la machine à café… Ah, le voila, enfin! Ah non, ça c’est mon téléphone… mais ou est-il donc, ce satané cerveau? J’en aurais pourtant vraiment besoin la maintenant, c’est quand même important de sauver la planète, faut pas se louper!

Quentin

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