O! la lettre #116

    Bon, je sens qu’à nouveau nous n’allons pas nous faire que des amis. Après avoir tapé sur le marketing (ici), la bureaucratie comptable (ici), les mocassins (ici), les militaires (ici), l’industrie française (la), les designers (ici ou la), le car-wash (ici), les réseaux sociaux (la), le gluten-free (par ici) et j’en passe, aujourd’hui c’est au tour de l’industrie du cuir.
La situation  : Il est de bon ton aujourd’hui de jeter l’opprobre sur certains matériaux pour nous vendre des alternatives annoncées (vaste blague) comme plus « respectueuses de l’environnement », ce qui permet au passage d’éluder les vraies questions qui fâchent, à savoir la remise en cause profonde de nos modes de consommation et notre irresponsabilité face aux déchets générés. Le cuir est l’une des dernières victimes expiatoires de cette vague marketo-médiatique du greenwashing, le discours ambiant voulant nous faire croire qu’il serait préférable pour le bien de notre planète d’acheter une paire de mocassins en « cuir de banane » (sic), dont la durée de vie sera au mieux de quatre mois par temps sec, plutôt qu’une paire de mocassins en cuir véritable (déchet de l’industrie agro-alimentaire) qui peut résister aux agressions de notre climat déréglé durant des années (de toute façon, acheter une paire de mocassins est une vraie faute de goût, mais là n’est pas la question). Nous atteignîmes même ces derniers temps des sommets de bullshit avec l’émergence de ce magnifique oxymore qu’est la notion de « cuir vegan », cache-sexe pour parler en des termes plus positifs d’ersatz de cuir, d’imitation cuir, de faux cuir, de simili, de « Skaï » quoi!
    L’Objet de notre courroux du moment  : matériO’, qui tente de combattre depuis des années ces amalgames aux relents mercantiles, fut convié il y a deux semaines à exposer quelques matières extra-ordinaires dont deux « SIMILI CUIRS » lors d’un salon international sur la mode. Quelle ne fut pas notre surprise de nous voir intimer l’ordre de supprimer ce terme limpide et sans fioritures, sous prétexte que des exposants s’étaient plaints en brandissant le décret n° 2010-29 qui stipule que les termes de simili-cuir ou faux cuir sont proscrits pour la commercialisation de produits… sauf que matériO ne commercialise rien, en tout cas pas ça.
    Quelle Tartufferie! Après avoir pendant des années laissé prospérer en son sein des appellations plus qu’ambiguës comme « cuir végétal » pour parler d’un cuir à tannage végétal, simplement parce que cela permettait aux tanneurs d’embarquer le meilleur des deux mondes, la noblesse du cuir et une plus grande proximité avec la nature, sans se soucier une seconde de la confusion que cette ellipse pouvait engendrer chez le consommateur, voilà qu’on se réveille maintenant en jouant les vierges effarouchées et en interdisant les termes clairs et honnêtes comme simili-cuir ou faux cuir, ce qui est une vraie aberration et un combat d’arrière-garde…
    Pourquoi diable les bêtises marketées devraient conduire à un retour de balancier tout aussi excessif et à une pudibonderie langagière stérile? matériO continuera à appeler un chat un chat, un mocassin une faute de goût, un simili-cuir un simili-cuir, et une vraie ineptie une vraie ineptie… nous revendiquons en permanence notre totale indépendance, il nous semble salutaire de pouvoir en jouir face à tant d’hypocrisie.

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